salem
Nombre de messages : 35 Date d'inscription : 07/05/2008
| Sujet: rire et guerir Sam 31 Jan - 17:39 | |
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La duplicité du rire est totale. Comme les pleurs, le rire a très distinctement un aspect entièrement psychologique ainsi que des manifestations entièrement physiologiques. Il peut être déclenché par une surprise, une contradiction, une histoire drôle mais aussi par des chatouillements. Le rire présente tous les caractères d'un réflexe, qui peut être incontrôlable, et pourtant c'est vraiment le propre de l'homme, incursion bruyante du corps dans la parole, annulation du sens qui implique le langage dont il semble s'échapper. C'est l'envers maniaque de la dépression désespérée, impuissante et sans force devant le même manque de sens des mots.
Bernard Champion insiste avec raison sur le fait que les émotions servent d'abord à communiquer. Les émotions comme les hormones relèvent donc de la théorie de l'information. On sait bien que le rire est facilement contagieux. On peut y voir une fonction de détente de l'agressivité et une sorte de transe qui met les corps en résonance sociale, soulignant leur appartenance à une communauté de sort au-delà de la solennité des mots et des enjeux symboliques. Dans le même ordre d'idée, le rire semble bien lié à la reconnaissance : pour faire rire un bébé on se cache et on réapparaît en faisant "coucou". Si on tombe sur un groupe d'amis, la reconnaissance mutuelle peut déclencher des rires, surtout en terrain ennemi. C'est en ce sens qu'on peut dire que "le rire ce n'est pas le désordre, c'est l'ordre".
Plus fondamentalement, il peut suffire d'une surprise pour déclencher le rire. On peut donc dire qu'il signale une "fausse alerte". C'est la chute qui provoque le rire, chute de l'histoire aussi bien que chute du corps pour peu qu'il n'y ait pas de mal. D'ailleurs, de même que le gaz hilarant sert d'anesthésiant, le rire diminue la sensation douloureuse ce qui est bien utile en cas de blessure légère. On n'est plus ici vraiment dans la communication mais plutôt dans la dimension cognitive de la "fausse reconnaissance" dont on se détache en riant, capacité de déconnection, de remise en cause, de correction, d'apprentissage. Bernard Champion va jusqu'à supposer que le rire est une conséquence secondaire de l'anesthésie par des substances provoquant la déconnection du cerveau de la réalité. "On peut l'analyser comme une suspension de communication entre le cerveau du réel et le cerveau de l'émotionnel". Mais le rire est bien le propre de l'homme car "ce qui caractérise le langage humain c'est la polysémie et le rire est lié à cette capacité à pouvoir suivre en même temps plusieurs séries sémantiques".
A cette description du rire on pourrait ajouter les réflexion de Freud sur le mot d'esprit comme retour du refoulé, mais ce ne serait qu'une extension de ce qui précède. L'étude de Bergson sur le rire est bien connue mais un peu trop réductrice. Si on peut l'approuver lorsqu'il dit qu'"il n'y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain", par contre, il ne suffit sûrement pas de faire du rire le résultat d'une "brusque interruption dans le déploiement de notre activité", ni d'un simple caractère d'automatisme ou bien un effet de la sympathie, comme il le prétend. Il y a un caractère négatif du rire qu'il faut prendre en compte, l'agressivité d'un rire moqueur, dérision qui doit aller jusqu'à l'auto-dérision pour être partagée. Il faut se dérider, se désinhiber. L'humour léger est le contraire de la bile noire, d'un esprit trop sérieux et rigide. "Cette raideur est le comique, et le rire en est le châtiment" dit justement Bergson. Enfin, si le lien à la sexualité est évident (ne dit-on pas qu'il suffit de faire rire les filles pour les conquérir), manifestant la présence épidermique d'un désir qui chatouille les sens, il faut reconnaître aussi que le rire peut la couper aux hommes, obstacle au sérieux de l'excitation et de la jouissance, quand ce n'est pas la honte du ridicule. "Le rire n'a pas de plus grand ennemi que l'émotion".
Biologie du rire
Maintenant qu'on a vu à quoi sert le rire, examinons son mécanisme. Au niveau biologique, le rire est un état de crise, de stress, mais entièrement bénéfique semble-t-il et constituant une réaction stéréotypée, un réflexe largement incontrôlable qui peut être provoqué par surprise aussi bien que par des chatouillements. Tout comme les pleurs, il décharge le corps d'une tension accumulée, laissant au rieur une sensation de détente et de sérénité.
"Le rire est un réflexe qui peut être provoqué par des stimulations physiques ou psychiques".
"Le mécanisme du rire est incontrôlable. Peu importe la façon dont le rire est déclenché, le résultat est toujours le même. le cortex cérébral est déconnecté."
"Bref, le rire est à la fois un désintoxiquant physique et un dépolluant psychique, et une grande aide à lutter contre la fatigue, le stress, l'insomnie, le cholestérol, les difficultés de digestion, la douleur et la constipation".
La rire commence par une expiration de 5 secondes suivie d'une inspiration de 3 secondes, la ventilation respiratoire atteignant son maximum. Cette forme de respiration entraîne paradoxalement un manque d'oxygène et donc une augmentation du rythme cardiaque (qui passe de 60 à 120 battements par minute), très proche au fond de la peur. Puis les muscles se relâchent pendant que la pression artérielle baisse à nouveau. La sensation de détente et de sérénité peut durer jusqu'à 45 minutes après le rire. Après une brève montée en tension (respiration forte, muscles tendus, bouche sèche, transpiration abondante) on assiste donc ensuite à la relaxation du mauvais stress.
Le foie secrète alors plus de bile, ce qui a pour effet de baisser le taux de cholestérol et de lipides dans le sang (de 10%). Le rire augmente aussi la sécrétion de salive et de sucs digestifs améliorant la digestion. Il stimule les endorphines, diminuant la douleur, tout en augmentant adrénaline et noradrénaline qui combattent l'inflammation articulatoire. On peut d'ailleurs penser que le rire est provoqué par cette sécrétion simultanée d'endorphines inhibitrices et de catécholamines excitatrices (adrénaline, dopamine et noradrénaline).
Il faut noter que certaines lésions du cerveau (hypothalamus, lobes temporaux ou frontaux) peuvent provoquer le rire, comme si c'était un réflexe primaire normalement inhibé. En tout cas, si le rire est le propre de l'homme, on sait qu'il peut y avoir un rire bête ! Il est curieux tout de même que Marie Elsa Proulx, dans son étude sur le rire dont l'adresse est donnée plus haut, semble rêver d'une molécule du rire comme si le gaz hilarant n'était connu depuis bien longtemps...
En tout cas, le rire serait très efficace contre la constipation, les maladies cardiaques, les sinusites et l'insomnie. Il diminuerait le stress, la fatigue, la douleur, l'aérophagie, l'arthrite et l'asthme. Enfin, la franche rigolade freinerait le vieillissement. La panacée, en somme. On a pu constater que le rire joyeux a un effet positif sur l'activité des lymphocytes T, qui jouent un rôle important dans le processus de l'immunité, ainsi que sur celle de l'immunoglobuline (un anticorps). Ces effets se poursuivraient jusqu'à douze heures après l'accès d'hilarité.
Norman Cousins s'est fait connaître par son livre "La volonté de guérir" (Seuil, 1980) où il raconte sa guérison d'une spondylarthrite ankylosante (une maladie arthritique qui affecte la colonne vertébrale) par le rire et la vitamine C, alors qu'il était condamné par la médecine. Devant tant de bienfaits, le Dr Madan Kataria, a créé des Clubs de rire qui ont un certain succès depuis 1995, quoique fort peu en France pour l'instant. On y pratique le "rire sans raison", rire un peu forcé au début qui devient de plus en plus franc et spontané, surtout en groupe mais on peut rire aussi devant sa glace. Il y a des associations comme "le rire médecin", des rigolothérapeutes (ou plutôt "gélothérapeutes") issus de la psycho-neuro-immunologie, etc.
S'il est acquis que le rire peut nous guérir, il faut bien convenir aussi que plus on est malade, moins on a le moral, et moins on a le moral, plus on est malade. Le rire est déjà un signe de bonne santé, de même que "pleurer c'est déjà être consolé" (Hegel). Comme la plupart des processus vitaux, il y a une circularité des causes où les effets deviennent causes à leur tour. Ainsi, plus on a d'adrénaline ou de dopamine, plus on rit ; et plus on rit, plus on a d'adrénaline et de dopamine ! Les médicaments peuvent donc avoir au moins un rôle déclencheur pour renverser la vapeur, inverser le cercle vicieux en cercle vertueux. |
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Admin Admin
Nombre de messages : 47 Date d'inscription : 09/03/2008
| Sujet: Re: rire et guerir Mar 23 Juin - 18:25 | |
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